PHYTOS Glypho : le poids des mots
Le point sur le glyphosate, pour tenter d'y voir plus clair dans le flot ininterrompu de chiffres, d'affirmations et de rétropédalages sur le sujet.
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Même hors du monde agricole, impossible d'ignorer le débat en cours sur le glyphosate, entre les déclarations quotidiennes (voire plus) et parfois contradictoires des membres du gouvernement, et les nombreuses études qui sortent. Décryptage d'allégations lues, ou entendues.
« La France est le seul pays contre le glyphosate »
Le seul autre pays ayant manifesté, en juin 2016, un avis similaire, est Malte, pas vraiment connu pour sa production agricole. Cela dit, la position de la France n'est pas claire, c'est le moins qu'on puisse dire. A l'heure où nous mettons sous presse, Stéphane Travert au ministère de l'Agriculture proposait un renouvellement de la molécule pour cinq à sept ans, tandis que Christophe Castaner, porte-parole du gouvernement, affirmait sur BFMTV une interdiction d'ici la fin du quinquennat, soit 2022, y compris pour les usages agricoles. De son côté, Edouard Philippe demandait aux ministères concernés des rapports sur un plan donnant « les conditions de sortie » d'ici la fin de l'année... Un beau concert. Outre-Rhin, ce n'est pas beaucoup mieux : l'Allemagne était sur une ligne abstentionniste, et la réélection d'Angela Merkel laisse un flou. Il se dit qu'elle devrait s'allier aux libéraux et aux verts, la question du glyphosate reste donc ouverte. Dans ce contexte fluctuant, le vote européen prévu début octobre s'est transformé en dernier tour de table. Mais il va falloir se dépêcher ! L'autorisation de la molécule se termine au 31 décembre 2017.
« L'interdiction va coûter 2 milliards d'euros à la France »
Ce qui est sûr, c'est que cela va coûter des sous. Ce chiffre de 2 Mds€ est issu d'un sondage Ipsos pour la Plateforme Glyphosate, qui réunit les industriels du secteur. Plus précisément, 1,06 Md€ pour les céréales, et 0,90 Md€ pour le vin. L'étude soulève plusieurs interrogations. D'une part, il a été demandé aux agriculteurs interrogés par téléphone d'estimer leurs pertes de rendements sans glyphosate, et la hausse des coûts de production sans la molécule. Il s'agit donc d'une estimation déclarative, et les deux facteurs ont été additionnés pour le calcul des 33 % de perte de rentabilité pour les exploitations céréalières. Addition délicate, car, quelle est alors la variation de rendement d'un agriculteur ayant investi dans d'autres solutions ? En outre, la Fondation Concorde, think-tank économique, évoque une interdiction qui coûterait 976 M€ au secteur agricole. Pour Vincent Magdelaine, chez Coop de France Métier du grain, « on est sur le même ordre de grandeur ». « On n'est pas sur un débat économique. La vraie question, c'est de savoir si le produit rentre dans les critères d'exclusion (pour l'approbation des substances, règlement 1107/2009, NDLR) », juge pour sa part François Veillerette, chez Générations Futures, qui évoque une question sanitaire.
« Il faudrait manger 2 t/jour de muesli pour que le glyphosate soit dangereux »
C'est une des réactions à l'encontre d'une étude de Générations Futures sur des céréales et légumes secs. Elle y a détecté notamment 0,067 mg/kg de glyphosate dans du muesli (dont on ne connaît pas l'origine des ingrédients). La LMR (limite maximale de résidus) pour le blé (il n'en existe pas pour les produits transformés) étant de 10 mg/kg. Si le calcul n'est pas simple en matière de toxicité, on est loin de la LMR, celle-ci étant techniquement en raccord avec la DJA (dose journalière admissible) pour un bol alimentaire classique. L'ONG, qui précise que l'étude ne reflète pas l'état de la contamination des aliments vendus en France, veut surtout questionner sur la présence de résidus. Elle est critique sur les LMR : « Des études récentes ont montré des effets en dessous des seuils, avance François Veillerette. Il faut réfléchir sur un critère de danger. C'est d'ailleurs pour cela que les critères d'exclusion ont été mis en place. Et quid des adjuvants et des mélanges ? » Pour rappel, la distribution des produits alliant glyphosate et POE-tallowamines est interdite en France depuis fin 2016. L'UIPP dénonce pour sa part des « communications anxiogènes », et appelle l'Anses, bien silencieuse, à se prononcer. « Il y a une vraie méconnaissance du travail fait par les agences », appuie Eugénia Pommaret. Un peu de factuel au milieu de tous ces chiffres serait bienvenu.
Marion Coisne
De son côté, le monde agricole se mobilise : FDSEA et JA ont manifesté sur les Champs-Elysées le 22 septembre, avec la visite de Nicolas Hulot.
Le 10 septembre, Stéphane Travert a été pris à partie par des agriculteurs, lors de Terres de Jim, dans l'Oise.
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